Lettre de soutien à Fifi de L'ANJRPC - FREELENS
Association Nationale des Reporters Photographes & Cinéastes

 


1976 - Liban / Beyrouth : Massacre à la Quarentaine
World Press 1977 - © Françoise Demulder

 

La vie de « Fifi », de Françoise Demulder, c’est la nôtre. Elle est nous, nous sommes elle. Comme dans un collage, dans un patchwork, nous avons en commun des morceaux de temps, des douleurs, des paysages et des rires partagés. Pour les journalistes qui ont vieilli en même temps que le calendrier des trente dernières années de guerres, l’existence de Françoise est notre maison de rendez-vous. Elle est le lien, le messager qui nous unit même si, parfois, nous ne nous connaissons pas. La gardienne de notre communauté, où l’on préfère les vivants aux morts, la vérité à l’argent, la liberté à tout autre chose.


Femme de frontières, sans rien dire, sans théoriser, se contentant « d’appuyer sur le déclencheur », elle a jonglé avec toutes les formes du risque, dépassant les bornes des règles sociales ou celle des check-points. Toujours avec son rire, toujours à la marge. Et fidèle.


Dans un texte récent, Robert Stevens, l’un de ses photo-éditeurs à Time, rappelle que, pendant la guerre du Vietnam, Françoise « a fait des images extraordinaires de la mort, de la destruction et de l’horreur. Des photos caractérisées par leur puissance.» Les images de cette libertaire sont un miroir tendu à l’Amérique, le reflet de ses propres horreurs. Avec celles de quelques autres franc-tireurs, ses photos ont amené la fin de la guerre.


De ce Vietnam, puis du Cambodge qui a enchaîné, Françoise n’est jamais complètement revenue, ces pays étaient devenus les siens. Même si le Liban, qui prend le relais de l’épouvante, est pendant dix ans sa terre de transit. C’est là en 76, dans le quartier de la « Quarantaine », qu’elle prend une photo emblématique, celle de Palestiniens fuyant la barbarie. En fixant cette fresque vivante, la sobre « Fifi » a le sentiment de photographier « un morceau d’histoire ». Pour cette photo, elle obtient le World Press, première femme ainsi récompensée.


Hospitalisée à Paris depuis le mois d’octobre, Françoise continue de se battre. Cette fois pour sa survie. Pour l’aider dans ce monde précaire et sans mémoire, il n’y a que deux sources : votre amitié et, si vous le pouvez, cet argent qui est, aussi, le nerf de cette guerre-là.